Tax havens in the global economy. Pourquoi?
For those who don't read French, the opening paragraphs of this remarkable cross-party report to the French National Assembly by Elisabeth Guigou and Daniel Garrigue, both deputies of that Assembly, says it all:
Why are there still tax havens, opaque offshore financial centres, non-cooperating jurisdictions on criminal matters, and more generally 'shadow zones' and 'black holes' in a world of globalised economies and financial markets? Why do almost half of all global financial transactions, amounting to some 10 trillion dollars held offshore and recycled onshore, transit these places every year?
There is no convincing reply that can be made to this question being raised by our citizens. The current economic crisis has its roots in the financial crisis: excessive speculation on sub-prime credit markets. The scale of this crisis can only be compared to that of 1929. Tax havens and offshore centres have a particular responsibility because of their role, both direct and indirect, in promoting innovative financial instruments during the past decade and for the excesses that have arisen. (TJN's translation)
Like the authors of this report, we have not heard a single convincing reason for the existence of tax havens and offshore financial centres in a world of globalised financial markets. Quite the opposite, these places are engines of chaos which carry a large responsibility for raising inequality, supporting corrupt practices and encouraging lawlessness. Putting an end to their activities should rank alongside tackling climate change on the list of 21st Century priorities.
The French readers amongst you can read the full report here. We have taken the liberty of copying the full text of the opening section of the report below.
Bravo to Elisabeth Guigou and Daniel Garrigue.
(Update: see our next blog, looking at The Economist and the French report.)
____________
RAPPORT D’INFORMATION DÉPOSÉ PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)
sur la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne et la lutte contre les paradis fiscaux, les centres offshore et les juridictions non coopératives
(documents E 4096, E 4264, E 4267, E 4467 et E 4555)
Mesdames, Messieurs,
Pourquoi y a-t-il encore des paradis fiscaux, des centres offshore opaques, des pays ou territoires non coopératifs en matière pénale, et plus généralement des zones d’ombre et des « trous noirs » dans l’économie et la finance mondiales ? Pourquoi y transite-t-il chaque année près de la moitié des transactions financières mondiales, soit une masse de quelque 10 000 milliards de dollars captés et recyclés ?
A cette question que tout citoyen se pose, aucune réponse convaincante ne peut être apportée. L’actuelle crise économique a une origine clairement financière : l’excès de spéculation sur les crédits subprime. Sa violence est telle que seule la crise de 1929 peut lui être comparée.
Les paradis fiscaux et centres offshore ont une responsabilité particulière en raison de leur rôle, direct ou indirect, dans la promotion des innovations financières de la dernière décennie et de leurs excès.
Le fait que l’élément déclencheur de la crise ait été la faillite de Lehman Brothers à New York et les défaillances du secteur réglementé de la finance américaine ne les exonèrent en rien de cette responsabilité. Les facteurs d’instabilité étaient là en tout état de cause.
C’est pourquoi les chefs d’Etat et de Gouvernement des principales puissances économiques, lors de la réunion du G20 à Londres, le 2 avril dernier, ont placé la lutte contre les paradis fiscaux et les juridictions non coopératives au cœur des actions nécessaires au renforcement du système financier international.
Ils se sont ainsi déclarés prêts à mettre en œuvre des sanctions à leur encontre pour protéger les finances publiques et le système financier. Ils ont affirmé que l’ère du secret bancaire était révolue et ont salué la publication par l’OCDE d’une liste des pays qui, après évaluation, ne remplissent pas les critères internationaux au regard des normes internationales d’échange d’informations en matière fiscale. C’était éminemment nécessaire.
Contrairement aux arguments qu’ils avancent pour leur défense, les paradis fiscaux, centres offshore et autres juridictions non coopératives ne relèvent plus de la logique de refuge qui avait pu présider à leur première expansion, dans l’entre-deux-guerres, en raison des instabilités économiques, monétaires et politiques de l’époque. Ils sont au contraire le fruit d’une volonté stratégique délibérée des Etats concernés, comme des territoires dépendant d’une métropole, de se développer en implantant par tous moyens une activité financière. Leur nombre s’est accru depuis 1945 et leur expansion a été exponentielle à partir des années 1960. Selon certaines estimations, ils hébergent de d’ordre de
10.000 milliards de dollars de capitaux et représentent la moitié des transactions financières internationales.
Comment en est-on arrivé là ? Cette lutte contre les paradis fiscaux n’est pourtant pas la première tentative.
En 1989 déjà, le Sommet G7 de l’Arche avait créé le GAFI pour lutter contre le blanchiment d’argent dans les paradis fiscaux. A la fin des années 1990, dans des circonstances voisines de crise économique et financière, avec notamment la crise mexicaine de 1994-1995, la crise asiatique de 1997 puis la crise russe de 1998, laquelle mettait en cause pour la première fois un fonds spéculatif, un hedge fund, le LTCM, la communauté internationale avait inscrit la lutte contre les paradis fiscaux et les juridictions non coopératives à son agenda politique, au plus haut niveau. En 1996, le sommet du G7 à Lyon prévoit des actions en matière de coopération internationale pour la lutte contre les pratiques fiscales déloyales ainsi que contre la corruption et la criminalité financière. Ces orientations sont ensuite confirmées par les sommets de Denver en 1997, puis Birmingham en 1998 et Cologne en 1999. Simultanément, le Forum de Stabilité Financière (FSF) est créé en février 1999 à l’initiative des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des pays du G7, pour régler la question des nouveaux facteurs d’instabilité résultant de la mondialisation financière.
Cette volonté politique débouche sur la publication en 2000 de trois listes. Une liste fiscale établie par l’OCDE. Une liste financière et règlementaire établie par le Forum de stabilité financière récemment créé. Une liste relative au blanchiment établie par le Groupe d’action financière, le GAFI.
Chacune de ces trois listes correspond à l’un des griefs que l’on peut nourrir contre ces entités territoriales, Etats souverains ou territoires dépendant d’une métropole, qui garantissent non seulement un secret bancaire absolu, ou presque, mais permettent en outre de créer des structures écrans opaques, sociétés non résidentes ou offshore, trusts ou fondations, notamment, qui assurent l’anonymat de leurs bénéficiaires et des véritables détenteurs des capitaux dont elles sont les propriétaires apparents, les prête-noms.
Un grief fiscal : les paradis fiscaux attirent les capitaux grâce à une fiscalité nulle ou très faible et sont une incitation à la fraude et à l’évasion fiscale, ce qui érode les ressources publiques des autres pays. Un grief de sécurité financière : les centres offshore défendent ce qu’ils appellent leur compétitivité
– leur capacité à capter des capitaux – par une sous-réglementation chronique qui fait courir des risques financiers majeurs, y compris d’ordre systémique, à l’économie mondiale. Un grief d’ordre moral et pénal : les juridictions non coopératives sont un havre pour la grande délinquance financière et la criminalité internationales.
Mais, comme l’a remarqué M. Renaud van Ruymbeke, les paradis des uns sont l’enfer pour les autres : les Etats victimes et leurs citoyens, les magistrats, les autorités publiques.
Sur le fond, cette démarche s’inscrit dans une perspective plus globale, celle de la prise de conscience des excès, dans un contexte de libéralisation complète et généralisée des mouvements de capitaux, de la déréglementation financière mise en œuvre dans les années 1980 à partir des Etats-Unis, en application des principes de la Révolution conservatrice du Président Reagan et du Royaume-Uni, Mme Margaret Thatcher étant Premier ministre, sans avoir à évoquer l’expérience antérieure du Chili du Général Pinochet.
Pour ce qui concerne spécifiquement l’Europe, cette prise de conscience est antérieure. La nécessité de prévoir et organiser des contrepoids est reconnue dès juin 1988, lors d’une rencontre entre le Président de la République François Mitterrand et le Chancelier Helmut Kohl, à Evian. Deux demandes françaises y font l’objet d’un accord de principe : l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne comme contrepartie à la libéralisation des mouvements de capitaux ; une monnaie unique européenne. La Commission européenne présente quelques mois plus tard, en février 1989, sa proposition de directive visant à instaurer une retenue à la source de 15 % sur les revenus de l’épargne. C’est cependant, dans l’immédiat, un échec. Pour des raisons tant d’intérêt national qu’idéologiques face à l’idée d’un plancher fiscal, la proposition se heurte à l’opposition du Luxembourg et du Royaume-Uni. L’unanimité étant nécessaire en matière fiscale, elle n’aboutit pas.
L’obstacle est cependant surmonté ultérieurement, avec l’adoption en 2003 de la directive dite « épargne », assurant un minimum d’imposition sur les revenus sous forme d’intérêts, après cinq ans de travaux, à partir d’une nouvelle proposition présentée par le commissaire européen Mario Monti en 1998.
En outre, sur le plan pénal, l’Appel de Genève de magistrats anti-corruption d’octobre 1996, relayé en octobre 1998 par « l’appel d’Avignon » demandant que l’Europe donne aux magistrats les moyens de lutter contre la criminalité transfrontière, les paradis fiscaux et l’argent sale, et chargeant la Garde des Sceaux française de transmettre le texte correspondant à la Présidence finlandaise de l’Union européenne, a un écho certain. Adopté sous Présidence finlandaise, le programme de Tampere donnera une impulsion décisive à la création de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Tampere puis le programme de La Haye permettent des avancées essentielles en une décennie, telles que la création d’Eurojust, le mandat d’arrêt européen qui permet d’éviter les procédures d’extradition pour les infractions les plus graves et l’harmonisation des législations des Etats membres pour la criminalité organisée, notamment.
Cette meilleure perception des enjeux en Europe s’explique. La liberté de mouvement des capitaux est l’une des quatre libertés fondamentales prévues dès l’origine par le traité de Rome, dans un marché intérieur qu’il faut organiser. Cette organisation s’arrête néanmoins aux frontières de l’Union. Au-delà, seules les règles de la finance mondiale s’appliquent.
Néanmoins, après 2000, faute de la même volonté politique, notamment, mais pas uniquement, aux Etats-Unis après l’élection du Président George W. Bush, les procédures en cours prennent des orientations moins politiques. Seules les mesures prises après le 11 septembre 2001 font exception, avec notamment l’adjonction par le GAFI des neuf recommandations spécifiques à la lutte contre le terrorisme aux quarante édictées dès 1990 pour la lutte contre le blanchiment. Sinon, les listes du GAFI et de l’OCDE se réduisent. Le premier organisme met en place des procédures d’évaluation mutuelle dont l’impact politique est trop peu visible. Le programme d’évaluation des centres financiers offshore du FMI repose sur une base volontaire. L’OCDE élabore un nouveau modèle de convention fiscale en avril 2002. Son article 26 prévoit l’échange d’informations sur demande, entre administrations fiscales.
A l’automne 2008, la liste du GAFI est vide, celle du Forum de stabilité financière aussi. Pourtant, ni le blanchiment d’argent, ni l’évasion règlementaire n’ont disparu. Seule la liste de l’OCDE comporte des noms, mais ils ne sont que trois : Monaco, Andorre et le Liechtenstein.
Le problème des paradis fiscaux, des paradis judiciaires et des centres offshore demeure donc entier.
Tel est d’abord le cas en matière fiscale.
Ainsi, dès 2007, le témoignage de l’un de ses anciens employés devant la sous-commission d’enquête permanente du Sénat américain, qui travaille sur les paradis fiscaux sous l’impulsion notamment de M. Carl Levin, sénateur du Michigan, met au jour les pratiques de la banque suisse UBS, qui a délibérément aidé des contribuables américains à frauder le fisc grâce à des opérations « transfrontalières » conduites directement sur le sol des Etats-Unis à partir de la Suisse, en contradiction avec l’esprit des accords de coopération avec les Etats-Unis, qui obligent les banques ayant des comptes détenus par des Américains à le signaler.
Face à la menace de perdre son accréditation, la banque suisse, qui a déjà déclaré abandonner ses activités « transfrontalières » et accuse en outre pour 2008 des pertes d’une ampleur exceptionnelle, conclut un premier accord extrajudiciaire divulgué début 2009 : elle paie une amende de 780 millions de dollars aux autorités américaines et révèle 300 noms. L’affaire ne s’arrête cependant pas là, car les Etats-Unis demandent à connaître l’identité des 52 000 clients concernés de la banque.
Pour ce qui concerne l’Europe, c’est l’affaire des fondations au Liechtenstein qui remet, en février 2008, la question au premier plan. Le Gouvernement allemand, qui détient, grâce à l’achat de renseignements auprès d’un ancien employé de la LGT, quelque 4 000 noms de personnes possédant des intérêts dans une fondation (Stiftung) dans cet Etat, n’accepte pas que la principauté refuse de coopérer selon les mêmes principes que ceux prévus par l’accord d’entraide judiciaire conclu avec les Etats-Unis. L’affaire est connue du public. Des poursuites pénales ont été engagées en Allemagne. Une liste de 200 auteurs potentiels d’évasion fiscale a été communiquée à l’administration fiscale française.
La Commission européenne commence à réagir. Elle présente en septembre 2008 le premier rapport triennal d’évaluation de la mise en œuvre de la directive « épargne » de 2003. La proposition de révision du 13 novembre suivant propose d’intégrer dans son champ d’application les fondations de la principauté, au nombre de 50.000 au total selon certaines sources, notamment.
Ensuite, c’est à l’automne 2008 au titre des règles prudentielles et de la sécurité financière que la question des paradis fiscaux se pose une troisième fois de manière aiguë, lorsque la crise financière s’aggrave et s’accélère avec la faillite de Lehman Brothers.
Bien que la responsabilité directe des centres offshore ne soit pas engagée, puisque la crise vient des Etats-Unis et du secteur financier réglementé, leur implication indirecte est indéniable, sans même devoir rappeler qu’ils doivent l’origine de leur développement à la monétisation des déficits commerciaux américains à partir des années 1960 dans le cadre du marché des eurodollars, source initiale de bien des déséquilibres actuels.
D’abord, ils sont le terrain privilégié de localisation des SPV (special purpose vehicules). Ils ont donc permis de faire jouer l’effet de levier plus que nécessaire, de même qu’une distribution de crédit supérieure à ce qu’aurait recommandé un plus strict respect des principes prudentiels. Ensuite, abritant notamment aux Iles Caïmans et aux Bermudes les fonds spéculatifs, les hedge funds, ils ont amplifié la chute du prix des actifs à l’automne, lorsque ceux-ci ont dénoué leurs opérations. En outre, de manière constante, le manque de transparence des structures et des opérateurs qui y sont implantés a biaisé l’information dont pouvaient disposer les marchés, ce qui a accru les dangers de la spéculation. Enfin, on peut ajouter qu’ils permettent de localiser des rémunérations cachées, lesquelles sont pour le secteur financier profondément nocives. L’opacité ne permet pas aux superviseurs bancaires et financiers d’avoir une image exacte de la politique de rémunération des opérateurs et de contrôler si celle-ci incite ou non à prendre des risques inconsidérés.
Avec l’excès des rémunérations, ils représentent l’un des aspects les plus choquants du « capitalisme voyou » qui a tant prospéré ces dernières années.
Dans cette perspective, le présent rapport adopte un point de vue plus large que celui auquel conduirait le seul examen des quatre propositions de directives soumises à l’examen de la commission des affaires européennes conformément à l’article 88-4 de la Constitution : la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/48/CE en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts (E 4096), la proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (E 4264), la proposition de directive du Conseil concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (E 4267) et la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2004/39/CE et 2009/.../CE (E 4467).
Par conséquent, au-delà des instruments et des actions d’ensemble pour éradiquer ces « trous noirs » de la finance que constituent les paradis fiscaux, notamment en parachevant la panoplie des instruments fiscaux et pénaux dont disposent les Etats et l’Union européenne, il aborde la question de la régulation et de la supervision financière au niveau européen et mondial.
En effet, les excès de la déréglementation financière ont pu prendre corps d’autant plus aisément et massivement que la Réserve fédérale américaine, la Fed, a mené jusqu’en 2008 une politique de facilité monétaire, avec des taux d’intérêt plus bas que nécessaire. Cette politique d’argent facile a créé des liquidités d’autant plus abondantes au niveau mondial, qu’en contrepoint, la mondialisation croissante du marché des biens et des services a bridé, en raison d’une concurrence accrue, toute pression inflationniste sur les biens et services. Les salariés ont été d’autant plus incités à s’endetter que la politique salariale de compétitivité se traduisait par la stagnation des revenus du travail du plus grand nombre.
L’inflation s’est ainsi trouvée cantonnée à la sphère des actifs, dans le cercle vicieux d’une spéculation auto-entretenue, et l’économie mondiale a été de bulle en bulle : bulle Internet de 1997 à 2000, puis bulle immobilière et sur les produits structurés de titrisation de prêts immobiliers (les subprimes) aux Etats-Unis notamment, mais pas seulement, jusqu’en 2008.
Là encore, l’Europe s’est trouvée en décalage. Bien que souvent critiquée, la politique monétaire plus stricte menée par la Banque centrale européenne, sous la présidence de M. Jean-Claude Trichet, a été plus adaptée, même si elle n’a pu éviter les bulles immobilières d’Espagne et d’Irlande notamment. Il convient donc de la saluer. Néanmoins, les produits financiers circulant, l’Europe a été contaminée par les placements subprime comme elle l’avait été par les start up Internet.
En dépit du bref délai dont ils ont disposé pour traiter un sujet aussi vaste, puisqu’il convient de conclure suffisamment tôt, avant les prochaines réunions du G20, celle des ministres les 4 et 5 septembre, celle des chefs d’Etat et de Gouvernement à Pittsburgh (Etats-Unis) un peu plus tard, les
24 et 25 septembre, les rapporteurs ont pu rencontrer un panel varié d’interlocuteurs : la Commission européenne, le Conseil d’Etat, des organisations internationales (OCDE), une ONG, grâce à Transparence France qui est la section française de Transparency International, des magistrats, des diplomates, des représentants des professions concernées, des superviseurs du secteur de la finance et des parlementaires européens.
Ils ont également pu recueillir des informations auprès des grandes administrations concernées. Ils ont pu ainsi s’entretenir avec les services de la Chancellerie, ainsi qu’avec le cabinet de la Garde des Sceaux, Mme Rachida Dati. Par ailleurs, les notes établies par le ministère de l’économie et le ministère des comptes publics en réponse à leur questionnaire technique leur ont été utiles pour l’audience que leur accordée la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Mme Christine Lagarde.
Sur le fond, les rapporteurs ont acquis trois convictions :
– l’objectif est clair et simple : c’est la transparence. Le bon fonctionnement de l’économie et de la finance mondiales exige de pouvoir connaître et contrôler. Cela exige la suppression de l’ensemble des mécanismes actuels qui assurent en droit ou de fait l’opacité des opérations bancaire comme des structures implantées dans les paradis fiscaux et les centres offshore. Aucune exception pour quelque territoire que ce soit ne peut être tolérée, ni par intérêt ni par complaisance ;
– le prochain sommet du G20, celui de Pittsburgh des 24 et 25 septembre prochain constitue une occasion unique. Il ne faut pas la laisser passer. L’environnement politique actuel se prête à des actions de fond. L’accord obtenu à Londres témoigne de la convergence entre deux inspirations différentes : d’une part, celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni, encore très marqués par la « révolution reagano-thatchérienne » des années 1980 et, d’autre part, celle, continentale, de l’Allemagne et de la France, exprimée par l’accord de mars dernier préalable au Conseil européen entre la chancelière allemande, Mme Angela Merkel, et le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy. Cette communauté de vue représente une opportunité unique pour s’opposer à ceux qui ont projeté l’économie mondiale au bord du gouffre en octobre dernier quand le marché interbancaire s’est trouvé paralysé, et qui espèrent qu’après la crise, tout reprenne comme avant ;
– Pour éviter que cela ne recommence, il est indispensable et urgent que les instruments actuellement prévus pour lutter contre les paradis fiscaux et les centres offshore, ainsi que la régulation et la supervision financière, soient complétés et perfectionnés, au niveau international comme au niveau européen. En Europe, les harmonisations nécessaires doivent être clairement programmées et mises en œuvre, en matière fiscale et pénale, notamment.
Why are there still tax havens, opaque offshore financial centres, non-cooperating jurisdictions on criminal matters, and more generally 'shadow zones' and 'black holes' in a world of globalised economies and financial markets? Why do almost half of all global financial transactions, amounting to some 10 trillion dollars held offshore and recycled onshore, transit these places every year?
There is no convincing reply that can be made to this question being raised by our citizens. The current economic crisis has its roots in the financial crisis: excessive speculation on sub-prime credit markets. The scale of this crisis can only be compared to that of 1929. Tax havens and offshore centres have a particular responsibility because of their role, both direct and indirect, in promoting innovative financial instruments during the past decade and for the excesses that have arisen. (TJN's translation)
Like the authors of this report, we have not heard a single convincing reason for the existence of tax havens and offshore financial centres in a world of globalised financial markets. Quite the opposite, these places are engines of chaos which carry a large responsibility for raising inequality, supporting corrupt practices and encouraging lawlessness. Putting an end to their activities should rank alongside tackling climate change on the list of 21st Century priorities.
The French readers amongst you can read the full report here. We have taken the liberty of copying the full text of the opening section of the report below.
Bravo to Elisabeth Guigou and Daniel Garrigue.
(Update: see our next blog, looking at The Economist and the French report.)
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RAPPORT D’INFORMATION DÉPOSÉ PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)
sur la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne et la lutte contre les paradis fiscaux, les centres offshore et les juridictions non coopératives
(documents E 4096, E 4264, E 4267, E 4467 et E 4555)
Mesdames, Messieurs,
Pourquoi y a-t-il encore des paradis fiscaux, des centres offshore opaques, des pays ou territoires non coopératifs en matière pénale, et plus généralement des zones d’ombre et des « trous noirs » dans l’économie et la finance mondiales ? Pourquoi y transite-t-il chaque année près de la moitié des transactions financières mondiales, soit une masse de quelque 10 000 milliards de dollars captés et recyclés ?
A cette question que tout citoyen se pose, aucune réponse convaincante ne peut être apportée. L’actuelle crise économique a une origine clairement financière : l’excès de spéculation sur les crédits subprime. Sa violence est telle que seule la crise de 1929 peut lui être comparée.
Les paradis fiscaux et centres offshore ont une responsabilité particulière en raison de leur rôle, direct ou indirect, dans la promotion des innovations financières de la dernière décennie et de leurs excès.
Le fait que l’élément déclencheur de la crise ait été la faillite de Lehman Brothers à New York et les défaillances du secteur réglementé de la finance américaine ne les exonèrent en rien de cette responsabilité. Les facteurs d’instabilité étaient là en tout état de cause.
C’est pourquoi les chefs d’Etat et de Gouvernement des principales puissances économiques, lors de la réunion du G20 à Londres, le 2 avril dernier, ont placé la lutte contre les paradis fiscaux et les juridictions non coopératives au cœur des actions nécessaires au renforcement du système financier international.
Ils se sont ainsi déclarés prêts à mettre en œuvre des sanctions à leur encontre pour protéger les finances publiques et le système financier. Ils ont affirmé que l’ère du secret bancaire était révolue et ont salué la publication par l’OCDE d’une liste des pays qui, après évaluation, ne remplissent pas les critères internationaux au regard des normes internationales d’échange d’informations en matière fiscale. C’était éminemment nécessaire.
Contrairement aux arguments qu’ils avancent pour leur défense, les paradis fiscaux, centres offshore et autres juridictions non coopératives ne relèvent plus de la logique de refuge qui avait pu présider à leur première expansion, dans l’entre-deux-guerres, en raison des instabilités économiques, monétaires et politiques de l’époque. Ils sont au contraire le fruit d’une volonté stratégique délibérée des Etats concernés, comme des territoires dépendant d’une métropole, de se développer en implantant par tous moyens une activité financière. Leur nombre s’est accru depuis 1945 et leur expansion a été exponentielle à partir des années 1960. Selon certaines estimations, ils hébergent de d’ordre de
10.000 milliards de dollars de capitaux et représentent la moitié des transactions financières internationales.
Comment en est-on arrivé là ? Cette lutte contre les paradis fiscaux n’est pourtant pas la première tentative.
En 1989 déjà, le Sommet G7 de l’Arche avait créé le GAFI pour lutter contre le blanchiment d’argent dans les paradis fiscaux. A la fin des années 1990, dans des circonstances voisines de crise économique et financière, avec notamment la crise mexicaine de 1994-1995, la crise asiatique de 1997 puis la crise russe de 1998, laquelle mettait en cause pour la première fois un fonds spéculatif, un hedge fund, le LTCM, la communauté internationale avait inscrit la lutte contre les paradis fiscaux et les juridictions non coopératives à son agenda politique, au plus haut niveau. En 1996, le sommet du G7 à Lyon prévoit des actions en matière de coopération internationale pour la lutte contre les pratiques fiscales déloyales ainsi que contre la corruption et la criminalité financière. Ces orientations sont ensuite confirmées par les sommets de Denver en 1997, puis Birmingham en 1998 et Cologne en 1999. Simultanément, le Forum de Stabilité Financière (FSF) est créé en février 1999 à l’initiative des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des pays du G7, pour régler la question des nouveaux facteurs d’instabilité résultant de la mondialisation financière.
Cette volonté politique débouche sur la publication en 2000 de trois listes. Une liste fiscale établie par l’OCDE. Une liste financière et règlementaire établie par le Forum de stabilité financière récemment créé. Une liste relative au blanchiment établie par le Groupe d’action financière, le GAFI.
Chacune de ces trois listes correspond à l’un des griefs que l’on peut nourrir contre ces entités territoriales, Etats souverains ou territoires dépendant d’une métropole, qui garantissent non seulement un secret bancaire absolu, ou presque, mais permettent en outre de créer des structures écrans opaques, sociétés non résidentes ou offshore, trusts ou fondations, notamment, qui assurent l’anonymat de leurs bénéficiaires et des véritables détenteurs des capitaux dont elles sont les propriétaires apparents, les prête-noms.
Un grief fiscal : les paradis fiscaux attirent les capitaux grâce à une fiscalité nulle ou très faible et sont une incitation à la fraude et à l’évasion fiscale, ce qui érode les ressources publiques des autres pays. Un grief de sécurité financière : les centres offshore défendent ce qu’ils appellent leur compétitivité
– leur capacité à capter des capitaux – par une sous-réglementation chronique qui fait courir des risques financiers majeurs, y compris d’ordre systémique, à l’économie mondiale. Un grief d’ordre moral et pénal : les juridictions non coopératives sont un havre pour la grande délinquance financière et la criminalité internationales.
Mais, comme l’a remarqué M. Renaud van Ruymbeke, les paradis des uns sont l’enfer pour les autres : les Etats victimes et leurs citoyens, les magistrats, les autorités publiques.
Sur le fond, cette démarche s’inscrit dans une perspective plus globale, celle de la prise de conscience des excès, dans un contexte de libéralisation complète et généralisée des mouvements de capitaux, de la déréglementation financière mise en œuvre dans les années 1980 à partir des Etats-Unis, en application des principes de la Révolution conservatrice du Président Reagan et du Royaume-Uni, Mme Margaret Thatcher étant Premier ministre, sans avoir à évoquer l’expérience antérieure du Chili du Général Pinochet.
Pour ce qui concerne spécifiquement l’Europe, cette prise de conscience est antérieure. La nécessité de prévoir et organiser des contrepoids est reconnue dès juin 1988, lors d’une rencontre entre le Président de la République François Mitterrand et le Chancelier Helmut Kohl, à Evian. Deux demandes françaises y font l’objet d’un accord de principe : l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne comme contrepartie à la libéralisation des mouvements de capitaux ; une monnaie unique européenne. La Commission européenne présente quelques mois plus tard, en février 1989, sa proposition de directive visant à instaurer une retenue à la source de 15 % sur les revenus de l’épargne. C’est cependant, dans l’immédiat, un échec. Pour des raisons tant d’intérêt national qu’idéologiques face à l’idée d’un plancher fiscal, la proposition se heurte à l’opposition du Luxembourg et du Royaume-Uni. L’unanimité étant nécessaire en matière fiscale, elle n’aboutit pas.
L’obstacle est cependant surmonté ultérieurement, avec l’adoption en 2003 de la directive dite « épargne », assurant un minimum d’imposition sur les revenus sous forme d’intérêts, après cinq ans de travaux, à partir d’une nouvelle proposition présentée par le commissaire européen Mario Monti en 1998.
En outre, sur le plan pénal, l’Appel de Genève de magistrats anti-corruption d’octobre 1996, relayé en octobre 1998 par « l’appel d’Avignon » demandant que l’Europe donne aux magistrats les moyens de lutter contre la criminalité transfrontière, les paradis fiscaux et l’argent sale, et chargeant la Garde des Sceaux française de transmettre le texte correspondant à la Présidence finlandaise de l’Union européenne, a un écho certain. Adopté sous Présidence finlandaise, le programme de Tampere donnera une impulsion décisive à la création de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Tampere puis le programme de La Haye permettent des avancées essentielles en une décennie, telles que la création d’Eurojust, le mandat d’arrêt européen qui permet d’éviter les procédures d’extradition pour les infractions les plus graves et l’harmonisation des législations des Etats membres pour la criminalité organisée, notamment.
Cette meilleure perception des enjeux en Europe s’explique. La liberté de mouvement des capitaux est l’une des quatre libertés fondamentales prévues dès l’origine par le traité de Rome, dans un marché intérieur qu’il faut organiser. Cette organisation s’arrête néanmoins aux frontières de l’Union. Au-delà, seules les règles de la finance mondiale s’appliquent.
Néanmoins, après 2000, faute de la même volonté politique, notamment, mais pas uniquement, aux Etats-Unis après l’élection du Président George W. Bush, les procédures en cours prennent des orientations moins politiques. Seules les mesures prises après le 11 septembre 2001 font exception, avec notamment l’adjonction par le GAFI des neuf recommandations spécifiques à la lutte contre le terrorisme aux quarante édictées dès 1990 pour la lutte contre le blanchiment. Sinon, les listes du GAFI et de l’OCDE se réduisent. Le premier organisme met en place des procédures d’évaluation mutuelle dont l’impact politique est trop peu visible. Le programme d’évaluation des centres financiers offshore du FMI repose sur une base volontaire. L’OCDE élabore un nouveau modèle de convention fiscale en avril 2002. Son article 26 prévoit l’échange d’informations sur demande, entre administrations fiscales.
A l’automne 2008, la liste du GAFI est vide, celle du Forum de stabilité financière aussi. Pourtant, ni le blanchiment d’argent, ni l’évasion règlementaire n’ont disparu. Seule la liste de l’OCDE comporte des noms, mais ils ne sont que trois : Monaco, Andorre et le Liechtenstein.
Le problème des paradis fiscaux, des paradis judiciaires et des centres offshore demeure donc entier.
Tel est d’abord le cas en matière fiscale.
Ainsi, dès 2007, le témoignage de l’un de ses anciens employés devant la sous-commission d’enquête permanente du Sénat américain, qui travaille sur les paradis fiscaux sous l’impulsion notamment de M. Carl Levin, sénateur du Michigan, met au jour les pratiques de la banque suisse UBS, qui a délibérément aidé des contribuables américains à frauder le fisc grâce à des opérations « transfrontalières » conduites directement sur le sol des Etats-Unis à partir de la Suisse, en contradiction avec l’esprit des accords de coopération avec les Etats-Unis, qui obligent les banques ayant des comptes détenus par des Américains à le signaler.
Face à la menace de perdre son accréditation, la banque suisse, qui a déjà déclaré abandonner ses activités « transfrontalières » et accuse en outre pour 2008 des pertes d’une ampleur exceptionnelle, conclut un premier accord extrajudiciaire divulgué début 2009 : elle paie une amende de 780 millions de dollars aux autorités américaines et révèle 300 noms. L’affaire ne s’arrête cependant pas là, car les Etats-Unis demandent à connaître l’identité des 52 000 clients concernés de la banque.
Pour ce qui concerne l’Europe, c’est l’affaire des fondations au Liechtenstein qui remet, en février 2008, la question au premier plan. Le Gouvernement allemand, qui détient, grâce à l’achat de renseignements auprès d’un ancien employé de la LGT, quelque 4 000 noms de personnes possédant des intérêts dans une fondation (Stiftung) dans cet Etat, n’accepte pas que la principauté refuse de coopérer selon les mêmes principes que ceux prévus par l’accord d’entraide judiciaire conclu avec les Etats-Unis. L’affaire est connue du public. Des poursuites pénales ont été engagées en Allemagne. Une liste de 200 auteurs potentiels d’évasion fiscale a été communiquée à l’administration fiscale française.
La Commission européenne commence à réagir. Elle présente en septembre 2008 le premier rapport triennal d’évaluation de la mise en œuvre de la directive « épargne » de 2003. La proposition de révision du 13 novembre suivant propose d’intégrer dans son champ d’application les fondations de la principauté, au nombre de 50.000 au total selon certaines sources, notamment.
Ensuite, c’est à l’automne 2008 au titre des règles prudentielles et de la sécurité financière que la question des paradis fiscaux se pose une troisième fois de manière aiguë, lorsque la crise financière s’aggrave et s’accélère avec la faillite de Lehman Brothers.
Bien que la responsabilité directe des centres offshore ne soit pas engagée, puisque la crise vient des Etats-Unis et du secteur financier réglementé, leur implication indirecte est indéniable, sans même devoir rappeler qu’ils doivent l’origine de leur développement à la monétisation des déficits commerciaux américains à partir des années 1960 dans le cadre du marché des eurodollars, source initiale de bien des déséquilibres actuels.
D’abord, ils sont le terrain privilégié de localisation des SPV (special purpose vehicules). Ils ont donc permis de faire jouer l’effet de levier plus que nécessaire, de même qu’une distribution de crédit supérieure à ce qu’aurait recommandé un plus strict respect des principes prudentiels. Ensuite, abritant notamment aux Iles Caïmans et aux Bermudes les fonds spéculatifs, les hedge funds, ils ont amplifié la chute du prix des actifs à l’automne, lorsque ceux-ci ont dénoué leurs opérations. En outre, de manière constante, le manque de transparence des structures et des opérateurs qui y sont implantés a biaisé l’information dont pouvaient disposer les marchés, ce qui a accru les dangers de la spéculation. Enfin, on peut ajouter qu’ils permettent de localiser des rémunérations cachées, lesquelles sont pour le secteur financier profondément nocives. L’opacité ne permet pas aux superviseurs bancaires et financiers d’avoir une image exacte de la politique de rémunération des opérateurs et de contrôler si celle-ci incite ou non à prendre des risques inconsidérés.
Avec l’excès des rémunérations, ils représentent l’un des aspects les plus choquants du « capitalisme voyou » qui a tant prospéré ces dernières années.
Dans cette perspective, le présent rapport adopte un point de vue plus large que celui auquel conduirait le seul examen des quatre propositions de directives soumises à l’examen de la commission des affaires européennes conformément à l’article 88-4 de la Constitution : la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/48/CE en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts (E 4096), la proposition de directive du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (E 4264), la proposition de directive du Conseil concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (E 4267) et la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2004/39/CE et 2009/.../CE (E 4467).
Par conséquent, au-delà des instruments et des actions d’ensemble pour éradiquer ces « trous noirs » de la finance que constituent les paradis fiscaux, notamment en parachevant la panoplie des instruments fiscaux et pénaux dont disposent les Etats et l’Union européenne, il aborde la question de la régulation et de la supervision financière au niveau européen et mondial.
En effet, les excès de la déréglementation financière ont pu prendre corps d’autant plus aisément et massivement que la Réserve fédérale américaine, la Fed, a mené jusqu’en 2008 une politique de facilité monétaire, avec des taux d’intérêt plus bas que nécessaire. Cette politique d’argent facile a créé des liquidités d’autant plus abondantes au niveau mondial, qu’en contrepoint, la mondialisation croissante du marché des biens et des services a bridé, en raison d’une concurrence accrue, toute pression inflationniste sur les biens et services. Les salariés ont été d’autant plus incités à s’endetter que la politique salariale de compétitivité se traduisait par la stagnation des revenus du travail du plus grand nombre.
L’inflation s’est ainsi trouvée cantonnée à la sphère des actifs, dans le cercle vicieux d’une spéculation auto-entretenue, et l’économie mondiale a été de bulle en bulle : bulle Internet de 1997 à 2000, puis bulle immobilière et sur les produits structurés de titrisation de prêts immobiliers (les subprimes) aux Etats-Unis notamment, mais pas seulement, jusqu’en 2008.
Là encore, l’Europe s’est trouvée en décalage. Bien que souvent critiquée, la politique monétaire plus stricte menée par la Banque centrale européenne, sous la présidence de M. Jean-Claude Trichet, a été plus adaptée, même si elle n’a pu éviter les bulles immobilières d’Espagne et d’Irlande notamment. Il convient donc de la saluer. Néanmoins, les produits financiers circulant, l’Europe a été contaminée par les placements subprime comme elle l’avait été par les start up Internet.
En dépit du bref délai dont ils ont disposé pour traiter un sujet aussi vaste, puisqu’il convient de conclure suffisamment tôt, avant les prochaines réunions du G20, celle des ministres les 4 et 5 septembre, celle des chefs d’Etat et de Gouvernement à Pittsburgh (Etats-Unis) un peu plus tard, les
24 et 25 septembre, les rapporteurs ont pu rencontrer un panel varié d’interlocuteurs : la Commission européenne, le Conseil d’Etat, des organisations internationales (OCDE), une ONG, grâce à Transparence France qui est la section française de Transparency International, des magistrats, des diplomates, des représentants des professions concernées, des superviseurs du secteur de la finance et des parlementaires européens.
Ils ont également pu recueillir des informations auprès des grandes administrations concernées. Ils ont pu ainsi s’entretenir avec les services de la Chancellerie, ainsi qu’avec le cabinet de la Garde des Sceaux, Mme Rachida Dati. Par ailleurs, les notes établies par le ministère de l’économie et le ministère des comptes publics en réponse à leur questionnaire technique leur ont été utiles pour l’audience que leur accordée la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Mme Christine Lagarde.
Sur le fond, les rapporteurs ont acquis trois convictions :
– l’objectif est clair et simple : c’est la transparence. Le bon fonctionnement de l’économie et de la finance mondiales exige de pouvoir connaître et contrôler. Cela exige la suppression de l’ensemble des mécanismes actuels qui assurent en droit ou de fait l’opacité des opérations bancaire comme des structures implantées dans les paradis fiscaux et les centres offshore. Aucune exception pour quelque territoire que ce soit ne peut être tolérée, ni par intérêt ni par complaisance ;
– le prochain sommet du G20, celui de Pittsburgh des 24 et 25 septembre prochain constitue une occasion unique. Il ne faut pas la laisser passer. L’environnement politique actuel se prête à des actions de fond. L’accord obtenu à Londres témoigne de la convergence entre deux inspirations différentes : d’une part, celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni, encore très marqués par la « révolution reagano-thatchérienne » des années 1980 et, d’autre part, celle, continentale, de l’Allemagne et de la France, exprimée par l’accord de mars dernier préalable au Conseil européen entre la chancelière allemande, Mme Angela Merkel, et le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy. Cette communauté de vue représente une opportunité unique pour s’opposer à ceux qui ont projeté l’économie mondiale au bord du gouffre en octobre dernier quand le marché interbancaire s’est trouvé paralysé, et qui espèrent qu’après la crise, tout reprenne comme avant ;
– Pour éviter que cela ne recommence, il est indispensable et urgent que les instruments actuellement prévus pour lutter contre les paradis fiscaux et les centres offshore, ainsi que la régulation et la supervision financière, soient complétés et perfectionnés, au niveau international comme au niveau européen. En Europe, les harmonisations nécessaires doivent être clairement programmées et mises en œuvre, en matière fiscale et pénale, notamment.
1 Comments:
Could you please add that Ms Guigou
is also a member of the Trilateral Commission (European group).
http://www.trilateral.org/download/file/EU_list_4-12.pdf
Maybe this report must be understood at a second degree.
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